Récit d'une parenthèse au Maroc de Looking For Wild

Récit d'une parenthèse au Maroc de Looking For Wild

L’année dernière, Looking For Wild, marque spécialiste dans les pantalons d'escalade, a réunie quelques un de ses ambassadeurs pour une expédition au Maroc. Au programme, grimpe bien sûr, mais surtout quelques jours riches en émotions loin de notre vie habituelle à 200 à l’heure. Un récit signé Théo Arnaud, avec de superbes images par Mathis Dumas. 

Aller au Maroc c’est d’abord faire le choix d’une expédition qui commence à la descente de l’avion. Le rythme de vie à la marocaine s’impose, avec une règle simple : Inch’allah.

    

Direction un petit village berbère perché à 2000m d’altitude dans le haut atlas marocain pour une équipe de trois jeunes grimpeurs : Marion Thomas, Laurent Thevenot et Théo Arnaud, Ex compétiteurs en escalade aujourd’hui passionnés de grande voie.

A 2h30 de marche de la route la plus proche, Taghia se trouve à la confluence de deux canyons vertigineux, offrant d’immenses parois d’un calcaire rouge orangé où l’horizontalité n’a plus lieu d’être. Deux semaines sur place pour parcourir des itinéraires exceptionnels comme les 550 mètres de cailloux parfait des « Rivières pourpres », le pilier aérien d’« Au nom de la réforme » ou encore le beau mur compact de « Tout pour le club ». Que rêver de mieux ? Se lever, grimper, boire le thé, recommencer.

Notre voyage aurait pu se résumer à cela, mais Taghia c’est bien plus que ça ! C’est un émerveillement de chaque instant pour qui veut bien ouvrir les yeux. Une nature aussi belle qu’austère offrant au village les seules choses essentielles. Des habitants à la vie simple, à l’accueil sincère et chaleureux. Taghia c’est surtout ça, un retour aux sources, un bol d’air frais dans nos vies à 200 à l’heure.

Cela fait seulement quelques mois que nous sommes rentrés et pourtant le souvenir de Taghia semble déjà lointain. Une sensation semblable à la sortie d’un rêve, est-ce que tout ceci s’est bel et bien passé ? Proposer ce petit récit de notre aventure c’est, pour nous, comme donner un second souffle à notre voyage. Partager cette expérience magnifique en se replongeant dans ce que la peau de nos doigts a déjà relégué au rang de mauvais souvenir.

Comme pour de nombreuses expéditions, tout part d’un simple coup de téléphone. Dans notre cas, au bout du fil c’était François Victor Moreau, le créateur de Looking For Wild, une nouvelle marque de vêtements techniques pour l’escalade au style urbain. Nous sommes en décembre 2016 : « J’aimerais faire une expé pour tester les pantalons, un truc qui sort un peu des sentiers battus, ça vous tente ? ». Pas besoin d’en dire plus, l’idée résonne dans nos têtes, faisant ressortir les projets enfouis, gardés pour de futures prochaines hypothétiques vacances. « On s’organise ça pour début avril ? ». Avril… pas besoin de faire une thèse en mathématique pour comprendre que nous avons seulement trois petits mois pour organiser tout ça. Trouver une destination, une équipe, un photographe, dresser un budget, fixer les objectifs, définir les besoins, va pas falloir trainer…

Rapidement, Taghia se dévoile comme la destination idéale, réunissant des critères à faire pâlir le Yosemite. Deux canyons, découpés d’un coup de lame dans les hauts plateaux de l’atlas, offrant des falaises compactes et sculptées atteignant 800m pour les plus hautes d’entre elles, dans un environnement sortis des plus beaux décors de cinéma. Pourtant, hormis le film retraçant l’ouverture de Babel, peu d’images professionnelles ont été réalisées sur place. Il y a un coup à jouer, c’est parti !

Savoir où on va c’est bien, mais savoir avec qui on y va c’est encore mieux ! Après quelques rebondissements et un genou en moins pour l’un des protagonistes, l’équipe sera finalement formée de cinq personnes. (À ce moment de l’histoire, pour rendre l’organisation de l’expédition encore un peu plus simple, aucun d’entre eux ne se trouve dans le même pays). Nous retrouvons donc : François Victor Moreau, le responsable de la marque, un photographe, aspirant guide de montagne multifonctions, affûté de la gâchette (et de la jumar) Mathis Dumas et trois grimpeurs : Marion Thomas, membre de l’équipe de France d’escalade sur glace, Laurent Thevenot ex membre de l’équipe de France d’escalade et Théo Arnaud ancien compétiteur, tous trois passionnés de Grande voie.

Le projet se concrétise. Deux semaines sont désormais bloquées pour voir ce que ces pantalons ont dans les jambes ! Mauvais jeu de mots mis à part, c’est parti pour du matraquage de matos sur l’un des calcaires les plus abrasifs au monde. Au programme, le parcours des grandes classiques de Taghia avec photographe embarqué. Un objectif, la réalisation de deux courts métrages ainsi qu’un reportage photos avec la possible utilisation d’un drone, ce qui serait une première à Taghia. « Possible » car l’importation d’un drone au Maroc semble quasiment impossible pour des raisons militaires. C’était sans compter sur l’aspect multifonctionnel de notre photographe, qui après un avion loupé, une heure de négociation avec l’ensemble de la douane marocaine et le dépôt d’une caution, réussit l’exploit de sortir le drone de l’armoire dans laquelle il avait été mis sous scellé. Les images promettent un rendu incroyable, on ne peut pas en dire autant de la caution….

Depuis Marrakech, c’est plein Est direction le Haut Atlas. Après sept heures de voyage et le passage d’un col à 3000m, la route s’arrête à Zaouia. Dernier point accessible en voiture pour se rendre à Taghia. Ensuite c’est à pied, et à dos de mules pour les bagages que ça se passe. Nous tenons d’ailleurs à rendre hommage aux genoux de la mule blanche (elle se reconnaitra) qui ont bien failli se plier dans le mauvais sens plus d’une fois sous la charge !

Deux heures trente de marche à flanc de rivière plus tard, nous débouchons dans un vaste cirque verdoyant où règne une tranquillité saisissante, rompant avec le tumulte bruyant du canyon. En son centre, les maisons en terre violette du village de Taghia se dressent modestement. Au fond du cirque, les deux immenses canyons dévoilent ce qui sera notre terrain de jeux pour les deux prochaines semaines. La vie paisible régnant dans ce petit village offre un contraste marqué avec l’hostilité dégagée par ces grandes faces. A la confluence des canyons, se dresse l’Oujdad, pyramide quasi-parfaite, véritable vigie de la vallée. L’écrasante présence de ces parois force à l’humilité. La découverte de ce lieu unique nous laisse sans voix et nous amène rapidement au constat que 15 jours ici, ça ne va pas suffire, il y en aurait pour une vie entière !!

Pour le plus grand bonheur des mules, nous déchargeons l’ensemble de nos affaires devant l’une des maisons du village, faite de la même terre violette que ses voisines. Cette maison, c’est celle de Mohamed et de sa famille. Le développement de l’escalade à Taghia a fait émerger une petite économie autour de ce « tourisme ». On compte actuellement trois gîtes dans le village, où l’accueil est simple et convivial, proposant une demi-pension à base de thé à la menthe, couscous et tajine. Un rythme de vie simple s’installe très rapidement, « toujours doucement » comme le veut la tradition berbère. Nous vivons au rythme du soleil et laissons portable, ordinateur et autres internet sous silence. Notre voisin de palier, un coq très enclin aux chants matinaux fait office de réveil dès lors que le soleil pointe à l’horizon. Malgré quelques tentatives d’explications tournant rapidement au jet de pierres, le bougre n’a toujours pas saisi le concept de jours de repos. Tant pis, on n’est pas là pour faire la grâce mat !

Et l’escalade dans tout ça ? On y arrive ! Les premiers jours sont consacrés au calage de la meilleure méthode de shooting avec notre photographe embarqué. Pour cela, pas de pression, c’est à la paroi des sources que ça se passe. Première face à quinze minutes du village, offrant des voies d’une petite dizaine de longueurs sur du caillou top classe et un retour facile par le chemin. Trois superbes voies, déjà élevées au rang de classique nous permettent de faire nos gammes en vue des futurs projets : Zebda 7b+, classe montage Épinal 6c+ et belle et berbère 6b+. A chaque relais, même méthode, même matériel, il faut mettre en place un routine efficace et sûre ! L’équipe se divise en deux cordées. Le leader de la première fixe une corde statique pour Mathis qui déséquipe la longueur en remontant à la jumar, tout en shootant la cordée du dessous. Un travail incroyable avec en moyenne 1500 photos par jour et plus d’un kilomètre de remontée sur corde en cumulé ! Chapeau l’artiste !

 

Petit à petit nous gagnons en efficacité ainsi qu’en confiance et décidons d’aller nous frotter à plus dur. Mais à Taghia, prendre confiance ne dure qu’un temps. Nous choisissons de sortir des classiques et nous nous retrouvons après deux bonnes heures de bartasse dans le canyon au pied de Libiti Bito et sa première longueur en 7a+ quelque peu… terreuse. Marion se met une grosse frayeur en tête avec un engagement certain et deux grosses troués dans l’air. Du côté de l’assurage, un travail d’équipe se met en place pour dynamiser au maximum et ainsi essayer d’éviter la triple fractures chevilles tibias péronés en cas de chute au mauvais moment. Passés les trois premiers points protégeant le retour au sol, c’est parti pour 30 mètres d’escalade pour atteindre R1, avec seulement 4 petits spits. Une rapide montée jusqu’au premier point de la deuxième longueur, (déjà beaucoup trop haut) nous fait prendre conscience que ça n’a pas l’air d’aller en s’arrangeant. A l’unanimité, ce sera descente en rappel et capitalisation de point de vie pour la suite du trip.

Cette petite expérience nous laisse penser qu’il y a bien assez à faire avec les voies classiques et qu’on reviendra une autre fois pour se faire peur (il y a également de quoi faire en la matière). Les jours s’enchaînent et nous commençons à nous fondre petit à petit dans le quotidien berbère, « Escalade ça va ? », ponctuant chacune de nos traversés du village, « ça va, ça va ». Comment répondre autrement, une vie simple, dans un lieu incroyable, faite d’escalade, de rencontres et de thé à la menthe. L’équipe fait ensuite marche vers le pilier aérien de « Au nom de la réforme », 6c. Bien visible depuis le village, il rejoint le sommet du Taoujdad par sa face sud-ouest. L’approche très raide dans un canyon permet l’attaque de la voie à mi- paroi, proposant un itinéraire relativement court (300m) dans un calcaire magnifiquement sculpté et des lignes de fuites ramenant droit dans la vallée, plusieurs centaines de mètres plus bas. Arrivés au sommet, la vue est à couper le souffle, le vide ébouriffant des 600 mètres de la face nord est palpable. C’est pour dans quelques jours ! Avant, direction les murs ultra compacts de « Tout pour le club », 7c, en face Sud de l’Oujdad avec la découverte des fameux passages berbères : véritable amoncellement de branches et de pierres défiant les lois de la gravité, permettant l’accès au canyon ouest de Taghia.

Un jour de repos bien mérité nous amène doucement à notre plus grosse journée sur ce Trip : les 600m de la face nord du Taoujdad par l’itinéraire grandiose des « Rivières pourpres », une voie Piolat/Petit/Robert de 15 longueurs 7c max. La légende raconte que selon Michel Piolat, c’est la plus belle grande voie, qu’il ait ouvert en calcaire. Vu le carnet d’ouvertures du bonhomme, ça doit valoir le détour !! Départ du village aux premières lueurs du jour, sous les encouragements de notre pote le coq. Le repérage de l’approche les jours précédents nous fait gagner beaucoup de temps dans les passages d’artif, sur le caillou complètement lisse du fond du canyon. En deux petites heures, nous sommes au pied de cette impressionnante face, prêt à en découdre. Nous adoptons la technique habituelle du « shooting à l’avancement », mais cette fois, c’est quinze longueurs avec une grosse majorité dans le 7 qui nous attendent, il va falloir être efficaces. La première longueur en 6b+ donne le ton : Ok, même dans le 6 ça grimpe, et bah les amis on n’est pas en haut ! La verticalité de la face provoque rapidement une impression de vide vertigineux, et en seulement quelques longueurs le fond du canyon semble déjà bien loin. L’escalade proposée est variée et technique. Le rocher présente des changements de grains marqués, passant de réglettes très abrasives à des aplats plus fuyants. Cette alternance force à une réflexion constante, accentuée par la verticalité absolue de la face et l’espacement des points. Pour le plus grand bonheur de nos cuisses, même au relais c’est régime plein gaz ! Verdict : cette voie mérite définitivement sa réputation ! Le caillou est irréprochable, l’ambiance incroyable et l’escalade démente ! (Dommage pour la rime en -able) Nous arrivons au sommet au coucher du soleil et effectuons la difficile descente du canyon de nuit pour une arrivée au village à 22h. Une petite fatigue générale pointe le bout de son nez, mais nous sommes pile à l’heure pour le Tajine !

Infos pratiques :

Pour ceux qui souhaiteraient se rendre à Taghia, un seul conseil : n’hésitez surtout pas. Le topo de Christian Ravier regroupe tout ce qu’il faut savoir avec une réédition prévue pour l’année prochaine. Les gites proposent un voyage « clé en main » en organisant le trajet Aéroport-Taghia-Aéroport. Il est cependant utile de s’arrêter faire des courses pour l’eau et la nourriture des midis. Prévoir également de la peau de rechange pour vos doigts. Période favorable : printemps et automne.

Credit Photo : Mathis Dumas



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